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31 décembre 2008

LOVECRAFT, LE SINGE BLANC 1/2

La vie est une chose hideuse, et à l’arrière-plan, derrière ce que nous savons, apparaissent les lueurs d’une vérité démoniaque qui nous la rende mille fois plus hideuse. La science, dont les terribles révélations déjà nous accablent, sera peut-être l’exterminatrice définitive de l’espèce humaine – en admettant que les êtres appartiennent à des espères différentes – et si elle se répandait sur la terre, nul cerveau n’aurait la force de supporter les horreurs insoupçonnées qu’elle tient en réserve.

H.-P Lovecraft. The White Ape

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Dans « Un mari nommé H.P.L » par Sonia H. Greene, l’épouse de Lovecraft, l’aveu du racisme, un des éléments matriciels de toute la poétique de l’auteur, s’accompagne d’une affirmation qu’il n’est pas permis d’écarter : « Il admirait Hitler et avait lu Mein Kampf pratiquement dès sa parution en anglais. Je crois qu’il a été influencé par ce livre. Cela a certainement contribué à développer sa haine non seulement des juifs mais de toutes les minorités, qu’il ne cherchait d’ailleurs guère à dissimuler. « Appartenir à une race pure, insistait-il, c’est la chose ayant la plus grande valeur à laquelle on puisse aspirer dans la vie ! ».
Imaginez l’inventeur du Necronomicon, mort le 15 mars 1937 à l’âge de quarante-sept ans, faire la queue dans une librairie le jour de la sortie du Mein Kampf que n’aurait sans doute pas renié un Abdul Alazred l’arabe dément.

Il ne s’agit pas dans cet article de livrer un procès à H.P.L mais de poser la question suivante : faut-il placer le racisme et l’adhésion au totalitarisme hors de l’œuvre de Lovecraft, comme un égarement dont, comme souhaite le penser Roland C. Wagner dans sa biographie uchronique « H.P.L », ou au contraire au centre de son œuvre ? Nous poserons ainsi la question de sa position par rapport au concept de « mythe ».  L’article n’a aucune prétention, ni d’exhaustivité (surtout pas), ni d’exactitude, il ne s’agit que de partager avec vous certaines des réflexions qui me sont venus en tant que lecteur, et il sera d’ailleurs relativement court.

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« Il était fatigué, physiquement et moralement, c’est un fait, et désormais inutilisable. Mais moi, qui suis un Allemand de pure race, je pus encore remarquer deux choses. » écrit Lovecraft dans une nouvelle de 1920 intitulé « Le temple ». L’Amérique est pourtant en proie depuis la première guerre mondiale à une germanophobie qui contraste avec ses origines. Comme le rappelle Roland C. Wagner, Lovecraft éprouvera des difficultés dans la publication de ses histoires au début de sa carrière, faute à la poésie de son style qui embarrasse le lecteur de fantasy lambda, et à la mode de la science-fiction qui nourrit le rêve positiviste de l’Amérique des années folles. Qui peut donc bien être ce réactionnaires avec ses histoires de fantômes et de monstres rampants qui ne résisteraient certainement au plus tenue des rayons lasers ? Il s’y essaiera plus tard, en 1935, avec le « Défi d’outre-espace », traduction supra-kitch du titre original The challenge from Beyond, qu’il écrit avec d’autres auteurs plus jeune tel Robert E. Howard, le génie derrière Conan le Barbare.

S’il est un au-delà chez Lovecraft, c’est un au-delà des mots. Des sa nouvelle de 1917 « La Tombe », la langue humaine est incapable de rendre compte des chants des « glaciales profondeurs ». Bientôt, la langue sera tordu en tout sens pour rendre la cacophonie inhumaine de la langue des chtoniens, et c’est, plus encore à l’ « inquiétante étrangeté »  qui selon Todorov caractérise le fantastique, à l’inquiétant étranger, que nous avons à faire. Nul besoin d’une psychanalyse pour voir dans les noms des Dieux du cycle de Cthulhu autant de formules magiques jouant toujours sur la peur de l’autre. La Mer abrite les pires créatures de ce sombre panthéon, que soit Cthullu dans les profondeurs de Ryleh ou Dagon. Que dire aussi de ce livre impie qu’est le Necronomicon, forcément écrit par un « arabe dément » ? La peur est un racisme, et c’est au pire sentiment de l’être humain que l’auteur antisémite s’accroche pour créer le malaise. Que dire de cette nouvelle où des êtres aux yeux globuleux et au nez crochus se livre à un culte païen et ruine les civilisations alentours par leur messe ? Que dire de l’Affaire Charle Dexter Ward, ou un gentil jeune WASP possédé par l’âme de ses ancêtres trouvent deux complices, un indien et un noir ?

cthulhu

Face au métissage, Lovecraft exprime toute l’étendue de la peur de la dégénérescence. Dans la nouvelle, « Faits concernant feu Arthur Jermyn » triste traduction de « The white ape », la peur du mélange avec l’Afrique trouve corps en la personne d’un être mi-homme mi-singe qui vit dans l’ignorance de la souillure de son sang. Prenant conscience de cette pourriture, le jeune Arthur Jermyn pratique la technique éprouvé de l’holocauste :
« D’en bas venait seulement une odeur de pétrole. Lors qu’il fit nuit, on entendit gratter à la porte qui menait dans la cour, et un garçon d’écurie aperçut Arthur Jermyn. Le pétrole dont ses vêtements étaient imprégnés répandait une odeur nauséabonde. Il sortit furtivement et disparut dans la lande obscure qui entourait la maison. Puis, dans un paroxysme d’horreur, ce fut la fin : une étincelle jaillit, puis une flamme et bientôt une colonne de feu, qui avait été un homme, s’éleva jusqu’au ciel ».

Cette peur de la dégénérescence par le métissage fait écho à la crainte du mélange vers l'impur, l'animal. Cela me rappelle une nouvelle dont j'oublie le nom ou l'on découvre qu'une femme est l'enfant contre-nature d'un homme et d'un requin. Le mélange avec le poisson est au coeur de la mythologie de Dagon.

Si la « vie est hideuse », comme le disait la citation placée en exergue de cette article, c’est parce que la science va bientôt révéler à l’homme sa profonde débilité physique, cette « vérité démoniaque ». La science illumine une obscurité qui le dépasse. Tous les héros des nouvelles de Lovecraft finissent fous, morts, suicidés, ou traumatisés à vie par la rencontre des forces du mal. Mais alors où se trouve le rayon de lumière, l’espoir, chez Lovecraft ?


Pourquoi un contempteur des mythes tapies dans l’obscurité peut-il rejeter tout recours à la science et à la civilisation ? Ne devrait-il pas, au contraire, se jeter dans les bras de la science ? Lovecraft suit-il l’avenir tracé par Hitler ?

A suivre...

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Commentaires
N
http://www.dailymotion.com/video/x3efdo_le-cas-howard-phillips-lovecraft-ar
G
L'espoir chez Lovecraft, je dirais que c'est comme l'espoir en enfer, je dirais que ca n'existe pas.<br /> J'avoue que la traduction des titres est assez folklorique, mais apres avoir connu que ces traductions et pris le temps d'apprecier l'auteur, on s'y fait, ca fait partie du folklore, on l'associerait meme au style en fait souvent un peu incongru comme on l'aime.
Q
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